One Piece : Rencontre avec les éditions Glénat

One Piece : Rencontre avec les éditions Glénat

L'année 2020 représente une étape importante dans le domaine du manga. Au début de l'année, l'un des mangas les plus populaires, One Piece, s'était déjà vendu à plus de 500 millions d'exemplaires dans le monde, dépassant ainsi les ventes de la saga Harry Potter.

Mais ce n'est pas la seule étape importante. Fin novembre, le 1000e épisode de l'anime One Piece a également été diffusé et le 8 décembre, le 100e volume sortira, une occasion pour les fans de se remémorer les cinq plus grands combats de Luffy. Bien qu'il existe quelques mangas de plus de 100 volumes, comme Dokaben, One Piece est le seul manga disponible en un tel nombre de volumes en dehors du Japon. Mais comment One Piece a-t-il été publié en France ? Qu'est-ce qui explique son succès ? Nous avons rencontré Benoît Huot, directeur éditorial manga chez Glénat, pour parler de One Piece.

Avant de parler réellement du succès de One Piece, il est déjà important de contextualiser son succès dans son époque. Le manga d'Eiichiro Oda a été prépublié au Japon dans le célèbre magazine Shônen Jump à partir du 22 juillet 1997. C'est à cette époque que l'on commence à s'intéresser sérieusement au manga en France et que les éditeurs cherchent régulièrement de nouveaux titres pour renouveler leur catalogue d'une part, mais aussi pour apporter une certaine fraîcheur au marché. Car oui, à cette époque, les mangas étaient popularisés par certaines émissions de télévision comme le Club Dorothée et c'était l'époque des Saint Seiya, Dragon Ball et autres Sailor Moon. La tendance était donc aux héros aux pouvoirs quasi-divins.

Et parmi ces titres, One Piece apparaît effectivement comme un OVNI. C'est d'ailleurs ce qu'explique Benoît Huot : "Nous avons une histoire de pirates, alors qu'à l'époque, la tendance était plutôt aux héros inaccessibles". En France, le premier tome du manga n'est sorti qu'en septembre 2000, soit trois ans après le début de la prépublication japonaise. Cette période correspondait aussi aux débuts d'Internet et les choses étaient plus lentes qu'aujourd'hui, les échanges étaient plus compliqués et les éditeurs ne pouvaient pratiquement s'appuyer que sur les magazines de prépublication pour alimenter leur catalogue.

Comme nous l'avons déjà mentionné, les mangas sont prépubliés au Japon dans différents magazines. Le plus populaire d'entre eux est certainement le Shônen Jump. Ce magazine a servi de véritable outil de travail aux éditions Glénat lorsqu'elles ont décidé de publier One Piece en France. Benoît nous rappelle en effet que le Shônen Jump permet à son lectorat de voter pour les mangas qu'il souhaite continuer ou non à lire.

Et il s'est avéré que One Piece faisait régulièrement partie des licences attendues par le public japonais. De plus, le manga a rapidement été transformé en version animée. Le premier épisode est sorti le 20 octobre 1999 au Japon. En France, l'anime est d'abord diffusé le 6 septembre 2003 sur la chaîne Mangas, puis le 1er avril 2005 sur NT1. Ces deux critères réunis ont révélé l'énorme potentiel du manga que nous connaissons tous.

Benoît Huot nous explique que le succès de One Piece est principalement dû à l'histoire, au scénario. En effet, alors que nous avons principalement des héros qui luttent contre les forces du mal, Luffy rêve de devenir le roi des pirates. Petit problème : il a mangé le fruit Gum-Gum (Gomu Gomu no Mi dans l'original), qui non seulement le transforme en homme élastique, mais le fait aussi sombrer dans l'eau de mer. Ballot pour un pirate. Le lecteur se retrouve donc embarqué dans un voyage avec ce drôle de personnage, qui se transforme rapidement en une véritable épopée. Mais au-delà du voyage avec Luffy et son équipage, Eiichiro Oda tient avant tout à raconter une histoire divertissante.

Dans une interview, Oda révèle en effet qu'il a toujours ses lecteurs en tête et qu'il se fait un devoir de répondre à leurs attentes et de ne pas les décevoir. C'est pourquoi l'auteur renouvelle sans cesse l'univers de One Piece à travers différents pays inspirés d'époques réelles, de lieux existants ou mythiques. Il tente également de donner à son manga des allures de parc d'attractions où le lecteur est complètement déstabilisé. One Piece est aussi une révolution dans les codes du manga. En effet, alors que le public était habitué à des héros forts et masculins, les personnages de One Piece n'ont pas peur de dévoiler leurs sentiments, voire de pleurer. Et certains passages du manga sont si intenses que les fans s'en souviennent encore.

En outre, One Piece propose également des personnages particulièrement forts auxquels nous pouvons facilement nous identifier. Oda n'essaie pas de créer le personnage parfait sans défaut, mais cherche plutôt à représenter la vraie vie à sa manière. Cela entraîne une forte empathie de la part des lecteurs. Luffy est aussi un OVNI parmi les nombreux personnages de manga qui existent. Même aujourd'hui. En lisant le manga, on se rend compte qu'il n'y a pas de bulle de pensée qui lui soit attribuée. Luffy est un personnage profondément honnête, qui pense ce qu'il dit et vice versa.

Il est clair que One Piece semble plus proche de la fin de son histoire éditoriale que du début. Néanmoins, la fin de la publication ne signifie pas la fin de l'histoire du manga. Tout d'abord, il faut bien comprendre que One Piece est un monstre de manga et que, comme pour d'autres licences, il n'est pas du tout exclu que de nombreux jeux vidéo soient encore développés à partir du manga. C'est le cas de Dragon Ball, dont la publication est terminée, mais qui continue d'inspirer de nombreux développeurs de jeux vidéo, comme le prochain Dragon Ball : The Breakers, dont la bêta fermée devrait bientôt commencer.

La fin de la publication signifie aussi un regain d'intérêt pour la série, comme ce fut le cas pour L'Attaque des Tttans, dont le dernier volume est paru en octobre dernier. Et certains lecteurs attendent justement que le manga soit publié dans son intégralité pour pouvoir le lire d'une traite ou presque. De plus, selon Benoît Huot, "One Piece représente un univers très vaste, et d'autres auteurs peuvent s'y intéresser et, pourquoi pas, proposer des spin-off". Par ailleurs, One Piece fait l'objet d'un traitement intensif dans certaines matières académiques au Japon.

Au-delà de l'aspect artistique, il est clair que les aventures de Luffy et de ses compagnons ont plusieurs niveaux de lecture. Ainsi, le manga aborde des thèmes sociaux forts sans être un manifeste politique. On se souvient par exemple de Nami, qui est plus ou moins réduite en esclavage au début de l'histoire. Dans d'autres publications, les personnages sont également analysés à travers le prisme de la profession et du management. Leurs caractères sont en effet si différents les uns des autres que certains peuvent imaginer comment travailler avec des individus aux personnalités différentes.

La fin de la publication de One Piece laissera évidemment un vide, tant chez l'éditeur que chez les lecteurs, ce qui est le propre de toutes les grandes œuvres. Chez les lecteurs, on parlera certainement du syndrome de la "dépression post-sérielle". Pourtant, One Piece est si vaste que le lecteur peut facilement être tenté de relire soit la série entière, soit certains volumes emblématiques comme le tome 40. Après tout, d'autres séries ont le potentiel de suivre les traces de Piece One. Il suffit de penser à Dr. Stone ou Tokyo Revengers, dont la popularité n'est plus à démontrer.