Deux ou trois choses que je sais d'elle | Film | ARTE Cinema

La trajectoire d’une mère de famille amenée à se prostituer – métaphore, pour Jean-Luc Godard, des rapports sociaux dans la société moderne. Réalisé en 1967, un essai filmique percutant, prélude au virage résolument politique du cinéaste. Avec Marina Vlady, Annie Duperey et Christophe Bourseiller.

Au milieu des années 1960, au cœur des grands ensembles de la petite couronne parisienne tout juste sortis de terre, Juliette (Marina Vlady), jeune mère de famille de classe moyenne, recourt occasionnellement à la prostitution pour améliorer l’ordinaire. Autour de cette femme à la tristesse résignée, qui erre de cafés en appartements de passe, se déploient les tranches de vie de personnages anonymes, arpentant comme elle une banlieue désenchantée, à l’horizon bouché par un urbanisme en pleine explosion.

Cris et chuchotements

Deux ou trois choses que je sais d’elle ("elle" se référant, dit un intertitre malicieux, à la banlieue parisienne) s’inspire d’une enquête de Catherine Vimenet parue dans Le Nouvel Observateur sur le phénomène de la prostitution occasionnelle né avec le développement des grands ensembles : pour Jean-Luc Godard, la prostitution incarne le modèle même des rapports sociaux dans les sociétés capitalistes, et s’impose comme une métaphore de choix pour incarner sa vision du monde. Avec ce film-essai, expérimental dans sa forme et militant dans son propos, le cinéaste entame le virage politique qui annonce les nouvelles directions esthétiques et philosophiques que prendra sa filmographie à l'approche de Mai 68. S'affranchissant de la narration traditionnelle ou de l’analyse psychologique des personnages pour se faire sociologue et poète de la modernité, Godard réalise un film éclaté, à l’image des bouleversements de l’époque : un patchwork de séquences saturé parfois jusqu'à la cacophonie de couleurs et de sons – vacarme des bulldozers et des voitures, cris d’enfants, machines – d’où émerge sa voix chuchotée, qui dénonce l'aporie du langage, la perte d’identité et l'absence de perspectives qui caractérise la vie dans les grands ensembles. Le portrait d’une société française aliénée par la consommation, autant qu’un manifeste sur le pouvoir du cinéma à penser le monde contemporain.

Film de Jean-Luc Godard (France, 1967, 1h24mn)
Disponible jusqu'au 04/08/2023

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